Welcome ! Bienvenue ! Willkomen !

Les textes présentés ici sont issus de ma culture biologique. Quelques défauts et autres erreurs grammaticales, syntaxiques et/ou orthographiques peuvent, peut-être (sûrement), avoir subsisté ; que voulez-vous, les produits bio sont rarement parfaits mais n'en ont, paraît-il, que plus de saveur...

...

... et puis on se trouve les excuses qu'on peut.

Merci de votre indulgence.


And, for our English speaking friends, this way please : Jeffw's Inn

(Oh ! And this is a literary blog, by the way)


lundi 29 juin 2009

Rouge bulletin



Jeu n°66
:
Thème imposé : la fin de l'année scolaire.
Phrase finale imposée : J'ai pensé : "Il doit avoir ses raisons".
Avec l'obligation d'insérer au moins un mot étranger (les anglicismes courants étant refusés).



Chaque année c'est pareil. Plus qu'une semaine à tirer et paf ! d'un seul coup mon bureau se retrouve envahi, submergé par la paperasse : cahiers, formulaires, rapports et bien sûr... les bulletins. Ces saletés de bulletins pour des parents qui ne veulent pas comprendre et des mômes qui s'en foutent...
« Votre fils n'avait aucun espoir de réussir depuis le début, cette fin d'année en est la preuve retentissante ! »
Boum, suivant !
De toutes façons on s'en rendait bien compte que quelque chose allait craquer cette année, avec toutes les nouvelles consignes, les nouvelles directives du Ministère... le système est pourri à la moelle. Et pour une fois, Monsieur le Directeur est de mon coté... une bonne surprise ça...
« Your son is so thick that he became the wall of ignorance on which his classmates leaned for support. »
Après tout, pourquoi je leur simplifierai la tâche, aux parents d'élèves ? Ah ! Parlons-en des parents d'élèves et leurs soirées-séances de torture... « C'est comme aller au front... avec moins d'espoir », il disait Bertrand. Pauvre Bertrand, c'est moche ce que lui a fait l'Académie... « On ne peut pas inculquer les mathématiques à coup de ceinturon, M. Préchard !»... et hop, à la porte, retraite anticipée, on étouffe bien l'affaire, on graisse la patte des parents... « Inadmissible » qu'ils disaient, alors que ça se voyait qu'il était à bout, Bertrand... et puis, ça n'était arrivé qu'une fois... J'ai entendu dire qu'il s'était pendu dans sa maison de repos... mais on entend tellement de choses ici.
« Glückwünsche ! Er ist dumm. »
Oups, je m'égare... Allons, un peu de concentration Jean-Pierre, tu as presque finit.
Haha, pour un peu, ça me ferait marrer, même aujourd'hui...
Quoi ?!! On peut plus rire tranquille ?! Toujours les mêmes, toujours les trois du fond... et qu'est-ce qu'elle a à geindre comme ça ? Ah tiens, non, les deux du fond, ils n'ont pas réussi à arrêter l'hémorragie...
Bon, de retour au boulot. Au moins, elle ne pleurniche plus maintenant .
« Terminale est la pensée qui me vient spontanément quand j'évoque votre fille. »
Mes doigts effleurent machinalement le métal encore brulant, une onde de douleur satisfaisante me parcours le bras. Et je ricane bêtement parce que ça sent un peu le cochon grillé. Mais c'est vrai, c'est marrant ; j'ai comme un tressaillement imperceptible dans l'index droit à chaque fois que je m'en approche, c'est fou ces choses qui vous deviennent naturelles... Et mon petit dernier, il en est où ? Position fœtale au fond de la classe , c'est-y pas mimi ? Parfait. Il gémit tout doucement. C'est joli, ça me détend...
Plus qu'un bulletin.
Et deux balles dans le chargeur, une dans la chambre, juste ce qu'il faut. On attends plus que Monsieur le Directeur et ding-dong, l'école est finie... Ça fait bien 20 minutes qu'il est parti dans la salle des profs pour une dernière réunion. Ça ne devrait plus être très long. Je me demande bien où il a trouvé le hachoir, sûrement pas au réfectoire...
Du couloir me parviennent les derniers échos des derniers cris, qui meurent aussi...
Je n'aurais jamais imaginé que c'était son genre... Quand je l'ai vu arriver, je me suis dit, qui pourrait préférer les armes blanches aux armes à feu ? Et puis... J'ai pensé : Il doit avoir ses raisons.


jeudi 4 juin 2009

2009



2009 ne s'est pas présentée sous les auspices les plus glorieux ; le monde est en crise, l'économie est au fond du couloir à droite et la France, comme toutes les autres, se noie dans le marasme d'une débâcle socio-économique, étranglée de grèves et de manifestations d'une populace en colère qui blâme un gouvernement despote et incapable qui à son tour pointe un doigt accusateur au reste de la planète... et pourtant, tout cela ne me concerne en rien, et pas que pour des raisons géographique (c'est la merde ici aussi). L'empire américain peut continuer de chuter, le monde s'écrouler et l'homme retourner à l'âge de pierre, je m'en moque, comme disait Coluche : « La misère du monde n'est pas de dimension humaine. », moi je fais dans le petit... et tous les jours je pleure, égoïste et misérable, sur mes malheurs à moi, sur nos malheurs à nous, dans la hantise de la prochaine mauvaise nouvelle.
Il y a déjà cinq mois, il y a seulement cinq mois, j'ai perdu mon père. Les circonstances de son décès furent autant traumatiques pour ma mère qu'elles furent brusques et inattendues ; il nous a bien laissé comme des cons sur ce coup là, mon papa. Me connaissant, je vous raconterai sûrement un jour, mon père, tout...
Un mois plus tard, ma fille perdait son autre grand-père, victime du crabe leucémique et sinistre qui lui rongeait l'intérieur depuis quelques années.
Ensuite, nous avons enterré la petite grand-mère de ma femme, à qui la vie n'aura épargné aucune humiliation, jusqu'à la fin. Nous avons mis nous-mêmes son cercueil en terre, mes beaux-frères et moi.
La semaine suivante, nous avons appris que la meilleure amie de ma femme, sa demoiselle d'honneur, a été diagnostiquée avec un cancer imbécile et mal placé qui, si elle s'en sort, aura quand même détruit dans l'œuf son rêve d'une grande famille, son rêve d'enfants qui courent...
Tout devient disproportionné... Il y a un mois, le chien de Barry est mort. Et je pleure.
Un week-end, une presqu'amie nous annonce que sa petite Héloïse n'aura vu le jour que pour y mourir. Et moi, impuissant, je pleure.
Une amie chère, veuve depuis trois ans, décide de regoûter à la vie et à ses plaisirs, fatiguée de prendre son corps pour un mausolée... et se retrouve obligée de détruire l'enfant qui ne devait pas être. Elle en rit amèrement, je laisse mes larmes m'engloutir.
De loin, je vois ma petite maman qui tourne en rond et qui s'enlise, trop loin de moi.
De loin, je vois dans le regard inquiet de ma fille la question : “Qui vais-je encore perdre ?”, trop loin de mes bras.
Ici, je vois la peine de ma femme et des siens, des miens.
Et partout je ne vois que peine et chagrin.
2009 m'a déchiré l'âme. Je hais 2009. 2009 peut aller se faire foutre.



Et bien sur, avec tout ça, un peu dépressif mais je tiens le coup, je me chope le syndrome de la page blanche. Tout sec dans le dedans.
Mon cerveau n'a jamais été comme une de ces grandes commodes, où on peut décidé d'ouvrir le tiroir du bas plutôt que celui du haut, et d'en tirer ce que l'on veut, malheureusement non. Je l'ai toujours imaginé comme une immense gare à une seule voie, tant que le train à quai n'est pas parti, le suivant ne peut pas entrer ; et pour l'instant, c'est l'embouteillage, la grève. Le texte en gare est un texte joyeux et je ne le suis pas.
2009 m'a volé mon sourire.