J’aurais souhaité vous adresser quelques mots, à vous tous, assemblés ici aujourd’hui, au nom de ma mère et en mon nom, celui de mes frères et sœurs, au nom de notre famille mais, surtout au nom de Gérard, mon père…
Tout d’abord, merci à vous tous, ses amis, sa famille, les amis de sa famille, d’être venus pour honorer sa mémoire en ce jour et d’être venus nous soutenir dans cette épreuve.
Papa a laissé dans son testament quelques mots qui me semblaient être destinés à un public plus large que les quelques personnes qui seront présentes lors de sa lecture dans l’étude du notaire, qui à priori n’a que quatre chaises… Ces quelques lignes que je vais vous lire en guise d’introduction, évoquent bien, je pense, qui était mon père et qui, malgré un détail technique plus qu’évident, il est encore dans nos cœurs à tous. Voici :
« N’ayez pas trop de chagrin, ma vie, si elle a été bien remplie, n’a pas toujours été à la hauteur de mes espoirs ou de mes ambitions. La vie, du moins la votre, continue et ce n’est pas forcément le plus facile ! J’ai parfois, si ce n’est souvent, pensé à vous, je vous ai toutes et tous aimés à ma manière, d’une façon ou d’une autre et je regrette si j’ai pu vous décevoir ou vous léser.
Votre époux, père et, peut-être, ami.
Gérard. »
Mon père avait le verbe haut et l’amour des mots, qu’il préférait bons, même si souvent il favorisait les gros. Il avait une intelligence aiguë, le sarcasme féroce et l’humour noir et décalé ; traits de caractère dont j’ai hérités, tout du moins de deux d’entre eux, ce qui est dommage, l’intelligence aiguë m’aurait été bien utile durant ma scolarité.
Papa ne souhaitait pas que cette occasion soit larmoyante, lui qui, par-dessus tout, adorait rire et amuser son prochain, ne reculant devant rien pour une plaisanterie ou un trait d’esprit et ne gardant jamais sa langue dans sa poche, parfois au détriment de l’amour propre ou de la susceptibilité de certains, un biais qu’il fallait savoir pardonner et accepter pour vraiment apprécier Gérard et être son ami.
Sous des dehors bourrus, en dépit d’un meilleur mot et pour rester poli, Papa était un homme au cœur énorme, si ce n’est un peu fragile sur la fin, qui débordait d’amour pour ceux dont il avait su s’entourer, même si il n’était pas le plus doué pour l’exprimer ouvertement. Et pour ceux-là il était prêt à tous les sacrifices et aurait marché jusqu’au bout de la terre… ce qu’il a presque fait au court de ses nombreux voyages, favorisant toutefois l’avion.
Comme la plupart des hommes de caractère, il était capable de sentiments extrêmes et, si l’amour, qu’il avait tenace, et l’amitié, qu’il avait durable et loyale, étaient ceux qu’il chérissait le plus, il était également prompt à des ‘fâcheries’ intempestives et sonores et à des bouderies intenses, préférant ne plus parler à certains plutôt que de dire quelque chose qu’il aurait pu regretter… des silences rageurs à durée variable… généralement, six mois.
Gérard aimait la vie. La bonne vie. Celle du bon vin (que l’on préférera de Bordeaux) et du boire et du manger sous pratiquement toutes ses formes. Il aimait ses amis, ses proches, l’art, la Bretagne, qu’il avait connu en temps que réfugié pendant la guerre, la deuxième, et où il était très heureux de revenir s’installer avec Maman… La légende nous dit qu’il y aurait connu ses premiers émois, déniaisé par une fille de ferme dans une meule de foin. Moi qui ais passé une bonne partie de mon enfance en Bretagne également, il ne m’est jamais rien arrivé de tel ; je mets en cause les techniques agricoles modernes, qui favorisent la botte de foin à la meule, pourtant bien plus confortable… Et bien sur, Papa aimait les femmes, cinq enfants et plusieurs mariages seraient là pour en témoigner, mais celle d’entre toutes qu’il aimait et a aimé le plus tendrement, profondément et sincèrement, pour me l’avoir souvent confié, est Michèle, Maman, sa femme et compagne, qu’il a en plus toujours trouvé très jolie, il le lui disait souvent d’ailleurs, ces matins de week-end, au saut du lit, où il s’entendait toujours répondre : ‘Mets tes lunettes Gérard.’ Ah, ses lunettes !... Sans lesquelles il n’aurait pas pu faire grand-chose, mon petit Papa, lui qui physiquement n’aurait pas du voir, énigme médicale qui avait fait s’exclamer un ophtalmo de renom, après un examen et à court d’idée :
« - Mais monsieur, comment faites vous pour voir ?! », ce à quoi Papa avait simplement répondu : « - Par habitude. »
Lui qui se décrivait souvent et brièvement comme : ‘Le gros barbu roux à lunettes’, il est pourtant très difficile, voire impossible, de résumer mon père et sa vie en quelques lignes, il me faudrait pour cela plus probablement écrire un roman, vraisemblablement en plusieurs volumes ; lui qui tirât son destin d’une casquette d’officier, le hasard d’un petit bout de papier qui l’envoyât faire un stage qui changeât sa vie, l’envoyant sur des chemins de traverse qui des années plus tard nous auront réunis TOUS ici aujourd’hui, lui apprenant son futur métier et l’anglais, faisant entrer dans sa vie les radars et sa première femme, amorçant déjà à l’époque son profil avantageux à grands coups de nourriture américaine ; lui qui, par la suite, aura tout fait, militaire de carrière, donc, mais aussi : instructeur, chevalier de la légion d’honneur contre son gré, directeur artistique de cabaret, globe-trotter, ingénieur, barman extraordinaire, bricoleur génial, figurant de cinéma (mais seulement son pied gauche), commercial, entrepreneur, cuisinier hors-pair, et bien sur, mari, père et grand-père aimant, ami de tous… sauf des cons.
Il laisse derrière lui un gouffre, un vide béant, que je vous invite néanmoins, nous tous, qui l’aimions et qui l’aimons toujours, que je vous invite, donc, à combler avec les souvenirs les plus chers que vous avez de lui… pour aide mémoire :
Le Ranch et les spaghettis bolognèse d’un soir. D’un jour d’été si chaud où il ne pouvait pas enlever sa veste en laine car son gilet n’avait pas de dos.
Les mariages… et l’offre généreuse qui coupât court à toutes enchères pour la jarretière…
Ses discours, même les plus brefs ; ses conseils, les bons… et les mauvais.
L’Australie des rouflaquettes.
L’Afrique du Sud des piscines peu profondes.
Les parties de cartes endiablées, que ce soit le poker, le tarot, le rami…
Les nuits à refaire le monde.
Toute l’aide qu’il a pu nous apporter, toujours de bon cœur, quoi qu’il en ait dit.
Les couscous, les blanquettes et autres terrines de lapin qui donnaient toujours l’occasion de grands repas de famille et de grandes réunions d’amis…
Ne chérissez pas ce sentiment d’absence atroce qu’il laisse derrière lui mais repensez plutôt à tous les meilleurs moments que vous avez partagés avec lui. Personnellement, j’en ai des tonnes.
Pour finir, je repasserai la parole à Gérard qui, dans une lettre qu’il nous a laissé, concluait ainsi :
« Par-delà, un peu ému je l’avoue en ce moment même, j’adresse mes tendres pensées à toutes et à tous sans oublier quiconque, ni humains ni bêtes. Pas de chagrin inutile, continuez, vivez, nous y passerons tous ! »
Tout d’abord, merci à vous tous, ses amis, sa famille, les amis de sa famille, d’être venus pour honorer sa mémoire en ce jour et d’être venus nous soutenir dans cette épreuve.
Papa a laissé dans son testament quelques mots qui me semblaient être destinés à un public plus large que les quelques personnes qui seront présentes lors de sa lecture dans l’étude du notaire, qui à priori n’a que quatre chaises… Ces quelques lignes que je vais vous lire en guise d’introduction, évoquent bien, je pense, qui était mon père et qui, malgré un détail technique plus qu’évident, il est encore dans nos cœurs à tous. Voici :
« N’ayez pas trop de chagrin, ma vie, si elle a été bien remplie, n’a pas toujours été à la hauteur de mes espoirs ou de mes ambitions. La vie, du moins la votre, continue et ce n’est pas forcément le plus facile ! J’ai parfois, si ce n’est souvent, pensé à vous, je vous ai toutes et tous aimés à ma manière, d’une façon ou d’une autre et je regrette si j’ai pu vous décevoir ou vous léser.
Votre époux, père et, peut-être, ami.
Gérard. »
Mon père avait le verbe haut et l’amour des mots, qu’il préférait bons, même si souvent il favorisait les gros. Il avait une intelligence aiguë, le sarcasme féroce et l’humour noir et décalé ; traits de caractère dont j’ai hérités, tout du moins de deux d’entre eux, ce qui est dommage, l’intelligence aiguë m’aurait été bien utile durant ma scolarité.
Papa ne souhaitait pas que cette occasion soit larmoyante, lui qui, par-dessus tout, adorait rire et amuser son prochain, ne reculant devant rien pour une plaisanterie ou un trait d’esprit et ne gardant jamais sa langue dans sa poche, parfois au détriment de l’amour propre ou de la susceptibilité de certains, un biais qu’il fallait savoir pardonner et accepter pour vraiment apprécier Gérard et être son ami.
Sous des dehors bourrus, en dépit d’un meilleur mot et pour rester poli, Papa était un homme au cœur énorme, si ce n’est un peu fragile sur la fin, qui débordait d’amour pour ceux dont il avait su s’entourer, même si il n’était pas le plus doué pour l’exprimer ouvertement. Et pour ceux-là il était prêt à tous les sacrifices et aurait marché jusqu’au bout de la terre… ce qu’il a presque fait au court de ses nombreux voyages, favorisant toutefois l’avion.
Comme la plupart des hommes de caractère, il était capable de sentiments extrêmes et, si l’amour, qu’il avait tenace, et l’amitié, qu’il avait durable et loyale, étaient ceux qu’il chérissait le plus, il était également prompt à des ‘fâcheries’ intempestives et sonores et à des bouderies intenses, préférant ne plus parler à certains plutôt que de dire quelque chose qu’il aurait pu regretter… des silences rageurs à durée variable… généralement, six mois.
Gérard aimait la vie. La bonne vie. Celle du bon vin (que l’on préférera de Bordeaux) et du boire et du manger sous pratiquement toutes ses formes. Il aimait ses amis, ses proches, l’art, la Bretagne, qu’il avait connu en temps que réfugié pendant la guerre, la deuxième, et où il était très heureux de revenir s’installer avec Maman… La légende nous dit qu’il y aurait connu ses premiers émois, déniaisé par une fille de ferme dans une meule de foin. Moi qui ais passé une bonne partie de mon enfance en Bretagne également, il ne m’est jamais rien arrivé de tel ; je mets en cause les techniques agricoles modernes, qui favorisent la botte de foin à la meule, pourtant bien plus confortable… Et bien sur, Papa aimait les femmes, cinq enfants et plusieurs mariages seraient là pour en témoigner, mais celle d’entre toutes qu’il aimait et a aimé le plus tendrement, profondément et sincèrement, pour me l’avoir souvent confié, est Michèle, Maman, sa femme et compagne, qu’il a en plus toujours trouvé très jolie, il le lui disait souvent d’ailleurs, ces matins de week-end, au saut du lit, où il s’entendait toujours répondre : ‘Mets tes lunettes Gérard.’ Ah, ses lunettes !... Sans lesquelles il n’aurait pas pu faire grand-chose, mon petit Papa, lui qui physiquement n’aurait pas du voir, énigme médicale qui avait fait s’exclamer un ophtalmo de renom, après un examen et à court d’idée :
« - Mais monsieur, comment faites vous pour voir ?! », ce à quoi Papa avait simplement répondu : « - Par habitude. »
Lui qui se décrivait souvent et brièvement comme : ‘Le gros barbu roux à lunettes’, il est pourtant très difficile, voire impossible, de résumer mon père et sa vie en quelques lignes, il me faudrait pour cela plus probablement écrire un roman, vraisemblablement en plusieurs volumes ; lui qui tirât son destin d’une casquette d’officier, le hasard d’un petit bout de papier qui l’envoyât faire un stage qui changeât sa vie, l’envoyant sur des chemins de traverse qui des années plus tard nous auront réunis TOUS ici aujourd’hui, lui apprenant son futur métier et l’anglais, faisant entrer dans sa vie les radars et sa première femme, amorçant déjà à l’époque son profil avantageux à grands coups de nourriture américaine ; lui qui, par la suite, aura tout fait, militaire de carrière, donc, mais aussi : instructeur, chevalier de la légion d’honneur contre son gré, directeur artistique de cabaret, globe-trotter, ingénieur, barman extraordinaire, bricoleur génial, figurant de cinéma (mais seulement son pied gauche), commercial, entrepreneur, cuisinier hors-pair, et bien sur, mari, père et grand-père aimant, ami de tous… sauf des cons.
Il laisse derrière lui un gouffre, un vide béant, que je vous invite néanmoins, nous tous, qui l’aimions et qui l’aimons toujours, que je vous invite, donc, à combler avec les souvenirs les plus chers que vous avez de lui… pour aide mémoire :
Le Ranch et les spaghettis bolognèse d’un soir. D’un jour d’été si chaud où il ne pouvait pas enlever sa veste en laine car son gilet n’avait pas de dos.
Les mariages… et l’offre généreuse qui coupât court à toutes enchères pour la jarretière…
Ses discours, même les plus brefs ; ses conseils, les bons… et les mauvais.
L’Australie des rouflaquettes.
L’Afrique du Sud des piscines peu profondes.
Les parties de cartes endiablées, que ce soit le poker, le tarot, le rami…
Les nuits à refaire le monde.
Toute l’aide qu’il a pu nous apporter, toujours de bon cœur, quoi qu’il en ait dit.
Les couscous, les blanquettes et autres terrines de lapin qui donnaient toujours l’occasion de grands repas de famille et de grandes réunions d’amis…
Ne chérissez pas ce sentiment d’absence atroce qu’il laisse derrière lui mais repensez plutôt à tous les meilleurs moments que vous avez partagés avec lui. Personnellement, j’en ai des tonnes.
Pour finir, je repasserai la parole à Gérard qui, dans une lettre qu’il nous a laissé, concluait ainsi :
« Par-delà, un peu ému je l’avoue en ce moment même, j’adresse mes tendres pensées à toutes et à tous sans oublier quiconque, ni humains ni bêtes. Pas de chagrin inutile, continuez, vivez, nous y passerons tous ! »
Digne de l'oraison de Quatre mariages et un enterrement, que j'ai adoré.
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