- Bon. T'as fini ?
- ...
- ...
- Pardon...
Épisode II : Le Mariage Des Clowns. - Part I -
Et enfin : le jour J. (- Mais non pas jeudi, pourquoi jeudi ? Samedi voyons. Comment ça, ça c'est le jour S ?... Oh putaain...) Bref...
Je ne voudrais pas tuer le suspense, mais ça s'est super bien passé (bon OK, j'ai tué le suspence...).
En fait, statistiquement, tout un chacun n'a que très peu de jours parfaits dans sa vie, deux ou trois, tout au plus. Avec chérie, ma compagne, ma femme désormais, nous nous sommes accordés à dire que celui-ci était, pour l'instant, le plus mieux de tous. Bon, évidemment je ne lui ai jamais parlé du jour où je me suis fait LE sandwich parfait (lui aussi), dans une demie-baguette croustillante encore tiède de chez le boulanger, onctueusement tartinée de beurre demi-sel, avec des tranches (pas trop fines) de jambon de Parme à l'os fraîchement découpées, des petits cornichons émincés et des feuilles de salade bien croquantes¹... mais bon, elle ne pourrait pas comprendre, elle est étrangère tout de même.
Et voilà comment tout s'est déroulé...
Je me réveille donc au matin du grand jour ; mais bon, en soit ça n'a rien d'exceptionnel, je me réveille la plupart des matins.
Mon cœur bat la chamade : Pom pom pom pom pom pom pom pom... (comme je ne connais pas l'air de «La Chamade», c'est à chantonner
- Sois sage, mon cœur !, m'écris-je dans un élan poétique, qui ne me mène pas loin ; il est très dur de prendre de l'élan allongé sur un lit.
Je viens de raccrocher le téléphone. Et c'est de là que viennent la chamade du cœur (qui bat, qui bat, qui bat...), le réveil et l'élan (ou était-ce un caribou ?)... La voix de mon témoin et meilleur ami résonne encore à mon oreille... et cette menace ! La menace de me retrouver avec, dans ma chambre, un grand noir américain, chauve, avec un goût prononcé pour les lunettes de soleil (mais pas miroir, car nous ne sommes plus dans les 80's... et oui vous l'avez deviné, mon témoin c'est Morpheus), la bière blonde et les postérieurs menus, et pire que tout : á demi nu ; car il ne prendrait même pas le temps d'enfiler un caleçon, si je ne me bougeais pas le cul dans les cinq minutes.
Comme ça ne faisait pas du tout partie de mes projets pour le matin de mon mariage, je décidais de m'habiller prestement, sautant dans mon jean, en prenant soin de me lever d'abord (... car si on ne peut pas prendre d'élan allongé sur un lit, on peut encore moins sauter... surtout sans élan ni caribou...), et enfilant mon joli négligé de soie écrue, celui avec la petite broderie là (mais bien sûr que non... la broderie est là...) et descendais d'un pas leste (genre...) vers la salle commune de l'hôtel, commun également, où nous restiâmes (vu que ça fait dix bonnes lignes que je mélange toutes mes conjugaisons, je me suis dit pourquoi ne pas essayer dans le même verbe ?).
J'y retrouvais des visages connus et d'autres moins (mais bon, nous avions réservé tout l'hôtel, je supposais donc que ces gens venaient aussi au mariage, juste peut-être pas de mon coté de la famille, quoi que...) ainsi qu'un buffet de petit déj' à l'anglaise et à volonté. Des petits bonjours par-ci, quelques brèves conversations polies par-là. Rattraper le temps perdu avec ceux que je n'avais pas vu dans la déblaque chaotique de la veille au soir (où ça le pléonasme ? La veille au soir est parfaitement correcte, ne soyez pas ridicule), comme l'un de mes neveux par exemple :
- " Bonjour tonton !
- Bonjour p'tit con... "(Il a tout de même 25 ans)
*biz biz*
- " Tiens, je te présente Céline, ma petite amie ", et force est de constater, c'est vrai, elle est petite.
- " Céline, mon oncle. "
À peine un regard en coin de la cunégonde, occupée à faire la queue pour sa pitance...
- " B'jour...
- Mon oncle... Jeff ! "
Re-à-peine-un-regard-en-coin.
- " Hum ?...
- Jeff ? Le marié ?... "
Et enfin, elle se réveille...
- " Oooh, bonjour ! " re-*biz biz* et blablabli et blablabla
Elle a de la chance que je me rappelle de son prénom la miss, enfin... En vrai, j'ai demandé à ma femme...
Après un petit déjeuner frugalement copieux, parce qu'il faut pas déconner y'a long avant qu'on re-mange, et une réunion de dernière minute avec mon général en chef et ses deux aides de camps...
Ah oui, je me dois peut-être d'expliquer un peu :
Notre mariage était moit-moit, à la fois français et traditionnellement britannique/gallois, si la réception et le repas était, comme il se doit, francophile à souhait, tout le décorum tenait plus de « Quatre Mariages et Un Enterrement » que de « MariageS » (que je n'avais pas du tout aimé, d'ailleurs, comme film de merde...). Je précise.
Mon équipe se compose de moi, 'Le Marié', mon témoin, qui ici s'appelle 'The Best Man' (et ce jour là, qu'il l'a bien prouvé qu'il l'était, mon Barry) et qui a plus de responsabilités que le témoin français (qui bien souvent pourrait aussi bien être un touriste de passage), et de deux 'Ushers'...
?... Mais non : !
Ces derniers sont chargés du bon déroulement des opérations, placer les gens, annoncer que le repas est servi, etc... Un genre de garçons d'honneur, ou, comme ma famille les appelait il n'y a pas 200 ans, des laquais (mais non, je plaisante... On ne les appelait pas, on claquait des doigts)...
Quant à l'équipe
Donc, après ce mini-briefing de révision du plan de bataille et de saucisses/bacon, nous allons de concert nous faire beau, il vaut mieux commencer tôt car pour certains il y a plus de travail que pour d'autre... Non pas forcément moi ! Rhooo... Je pensais plus à mon beau-frère. Il n'a pas l'habitude des costumes-cravates, dans son habitat naturel un simple pagne en peau de léopard suffit généralement...
Pour les Dames (Et le gouda alors ?...) :
Mesdames et Mesdemoiselles, sur le podium, vous pouvez maintenant admirer
Les boutons de manchettes et les épingles à cravates monogrammés sont des créations uniques de chez Rhiannon (ma belle-mère).
On applaudit bien fort nos quatre modèles.
Et bien sûr, un super points bonus spécial à toutes celles qui auront remarqué que mon témoin, plutôt chocolat, porte un costume crème et que moi, plutôt crème, porte un costume chocolat...
Que voulez-vous... Nous, ça nous amusait beaucoup...
Une fois que Barry eut finit de nous tripoter la cravate (non ce n'est pas un euphémisme... c'était le seul à bien savoir faire les nœuds) et après avoir fait les cons pour la photo, nous sortons pour attendre notre moyen de locomotion, à ce moment de l'histoire, un taxi.
C'était une journée ma-gni-fique !
Je rappelle à l'aimable assistance que nous sommes fin octobre, au Pays de Galles et que donc, ce n'était pas gagné. Les deux dernières semaines s'étaient passées sous la flotte, au point d'avoir les facteurs équipés de scaphandres et de voir passer sur les rivières, gonflées à outrance d'orgueil et des colères du ciel, les dernières étagères Krügdùblønk, de chez Ikea, des malheureux qui auront vu leurs petits pieds-à-terre transformés en pieds-à-boue ou par ultime malchance, fruit des vicissitudes des magouilleurs de permis de construire locaux, en pieds-à-l'eau. Deux écoles auront vu leur équipement partir flotter en mer d'irlande, au grand bonheur des écoliers, et un supermarché aura vu ses noix de coco flotter pendant que ses raisins coulaient (vous pouvez essayer dans l'évier de la cuisine...) et son riz gonflait, au grand dam des ménagères. La campagne avoisinante n'était plus qu'une grosse éponge, tout comme les moutons, qui avaient doublé en volume et en poids et jetaient sur ce monde morne, gris et glissant, ce regard niais qui les caractérise en s'enrhumant gentillement.
Mais là, non.
Le ciel était incroyablement bleu, même le petit nuage d'Expedia était parti en vacances (justement), et le soleil n'en pouvait plus de briller. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il faisait chaud mais ça en donnait l'impression. Tout était parfait, même les petits oiseaux gazouillaient ; je me demandais du coup si ils n'auraient pas du migrer un mois auparavant, parce que l'hiver et une mort certaine approchaient, mais ils m'ont expliqué que non, c'était cool, ils étaient sous contrat avec Disney pour ce genre d'occasions...
Coup de bol, me direz-vous, oui, commencerais-je par vous répondre, car le vin d'honneur est en extérieur (nous avons le goût du risque),et non, finirais-je, une lueur malicieuse dans l'œil, je n'étais pas trop surpris, Dieu est un cousin.
Quand le taxi arrive, nous étions bien évidemment très occupé à marcher au ralenti le long du trottoir, dans nos jolis costumes et avec nos lunettes de soleil, « portant sur le front une mâle assurance » et chantonnant tous ensemble la musique de Reservoir Dogs, comme n'importe quel groupe de plus de trois mecs ferait, pour peu qu'on leur donne l'occasion, les costumes sombres et les lunettes de soleil...
Je prends une grande inspiration et c'est en route pour l'église... ou plus exactement pour le pub jouxtant cette dernière. Nous avions de l'avance.
Après une pinte bien méritée (si) et une petite pastille pour l'haleine fraîche, que mon Morphéus de service fait apparaître magiquement (trop fort !), cette fois-ci, c'est parti, c'est pour de vrai, c'est à l'église, devant Dieu et les hommes.
Sur le chemin qui me mène à l'autel, je trouve le temps pour des bribes de conversations. J'embrasse ma fille, j'embrasse ma mère, j'embrasse Ade du Mexique (... désolé...). J'ajuste la rose que mon père arbore fièrement à sa boutonnière. Un sourire à gauche, un clin d'œil à droite. Et je pénètre enfin dans la pénombre rassurante que possèdent certains lieux de culte, où la foi des hommes va jusqu'à changer la qualité du son et de la lumière ; tout y plus feutré, on y est plus humble mais à l'abri aussi... enfin perso, je suis athée, alors moi les églises tout ça : bof bof... Mais celle-là est très chouette ; reposant ses dimensions cathédralesques dans son petit cimetière ombragé tout de vert gazonné, où les tombes éparses et de guingois sont en pierre toute bête, laissant le marbre luisant de vulgarité des tombes impersonnelles et modernes à d'autres et c'est tant mieux. Elle a bien fière allure, avec sa tour carrée, sur son petit bout de colline. Dans son dedans, j'avance dans l'allée centrale, échangeant des plaisanteries avec nos invités. Je remercie, par exemple, tous nos amis en commun qui ont choisit de s'asseoir de mon coté de l'église, que ça me faisait bien plaisir qu'ils m'aident dans l'infériorité numérique des miens et eux qui me répondent qu'en fait non, il n'y avait plus de place du coté de Geinor (comment ça ils ne plaisantaient pas ?!)... Et toute cette bravade, ces blagues, cette attitude primesautière, à ma grande surprise, ne sont même pas pour masquer ma nervosité. Je suis calme, serein, presque à l'aise. Je sais ce que je fais. Je suis au sein de tous les gens que j'aime et je vais épouser celle que j'aime par dessus tout. Je n'ai jamais été aussi sur de moi (ça doit être l'effet Intima...). Je n'ai plus aucune appréhension et comme le dit la chanson : Je ne veux qu'elle comme ciel de lit, moi qui n'aie pourtant un lit ni à baldaquins ni à St Thomas, également, d'Acquin... Relax.
J'arrive à l'autel. Enfin, à trente mètres près.
Pour une raison qui m'échappe, le cœur est au centre de l'église et l'autel au bout de la nef... C'est à dire que vue du ciel, notre église ressemblerait plus à un gros X du type le trésor est là qu'à une croix du type crucifix croise les jambes j'ai que trois clous, et qu'en pratique, toutes les cérémonies n'utilisent que la moitié de l'édifice... peut-être pour ne pas trop intimidé ceux qui y viennent.
Barry et moi échangeons les plaisanteries d'usages :
- " You got the rings ?
- What rings ?
- Hahaha !
- Hahaha !
- ...
- ...
- Non, sérieux, t'as les alliances ?
- Non, sérieux, tu m'as donné aucunes bagues... "
- ...
Après avoir vérifié mes poches, je lui donnais donc les alliances (oups...) et prenais place pour mettre ma patience à rude épreuve. Imaginez. La musique commence (le quatuor à corde d'une amie de la famille, que je vois de là où je suis). Je sais qu'elle arrive... mais je n'ai pas le droit de me retourner. Je ne l'ai pas vu depuis hier soir, je n'ai vu ni sa robe, ni sa coiffure, ni son maquillage et je n'ai pas le droit de me retourner ! Je n'ai pas regardé dans ses yeux gris bleus, senti son parfum, touché sa peau lisse (non, pas qu'au cul...), écouté son cœur battre depuis ce qui me semble être une éternité, ET JE N'AI PAS LE DROIT DE ME RETOURNER !... J'aurais dû amener un petit bout de miroir pour faire rétroviseur. Pfff... C'est long deux minutes.
¹ Cette anecdote est en fait empruntée à un bon ami à moi, qui en parle encore, des années plus tard... Il faut dire qu'il n'a jamais eu l'occasion de le goûter son sandwich parfait, le temps qu'il se retourne pour attraper la moutarde forte, son abrutie de chienne (de marque boxer) lui a piqué le susdit cass'dale et l'a boulotté tout courant, pendant qu'il la poursuivait pour lui faire la peau, armé d'une cuillère en bois. Que voulez-vous, il n'y a pas de justice en ce bas monde.
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