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Les textes présentés ici sont issus de ma culture biologique. Quelques défauts et autres erreurs grammaticales, syntaxiques et/ou orthographiques peuvent, peut-être (sûrement), avoir subsisté ; que voulez-vous, les produits bio sont rarement parfaits mais n'en ont, paraît-il, que plus de saveur...

...

... et puis on se trouve les excuses qu'on peut.

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dimanche 4 janvier 2009

Une Anecdote de Café...


Si j'ai acquis, au cours des années, un goût sûr des bonnes choses et une classe que l'on croirait innée ; une sophistication qui m'astreint à ne pas mettre d'eau dans mon vin, à préférer le homard à la crevette et mes femmes sans moustache, ne me pousse pas systématiquement à m'essuyer dans les rideaux après l'amour (quand les draps sont là pour ça), et, bien sûr, me fait refuser le sucre dans mon café, jusqu'à ne pas y tremper de viennoiserie qui pourrait en gâcher l'amertume profonde à l'arôme de ces nuits noires et intenses de passions africaines sauvages, chaudes des moiteurs tropicales où les senteurs de la jungle réveillent en nous ces pulsions dites animales, qui ne sont que l'évocation du désir primal et profond que : "Non. On ne veut pas de sucre dans son café. Non."... Cette amertume, disais-je, qui fait du café ma boisson préférée, juste après les bordeaux graves, les whiskies pur malt, les bières brunes aux noirceurs d'encre de chine, la javel, et au risque d'en surprendre plus d'un, l'eau (que je préfère de Volvic, ou, à la grande rigueur, de Badoit, ne rechignant pas de temps en temps à la tentation d'une petite eau gazeuse en fin de repas, car comme je mange gras, autant s'alléger la digestion)... Zut. J'ai perdu le fil dites donc...

Après relecture.
Si j'ai acquis mon bon goût et mes manières d'homme du monde, disais-je donc, avant de digresser comme un malpropre, c'est, bien sûr, grâce à mon éducation, que l'on préférera jésuitique et stricte, par conséquent, chez les saints pères. Et qui de plus saint chez les pères que mon papa à moi ?
Aaaah... mon papa...
L'auteur de mes jours (vous lui devez beaucoup).
Cet être mystérieux des couchés de mon enfance. Lui qui apparaissait dans l'encadrement de la porte de ma chambre, au crépuscule de mes journées de brigand, pour venir déposer sur mon front et mes mèches blondes (sous lesquels se déroulaient déjà les milles aventures qui peuplent les rêves des petits garçons, alors que mes paupières se fermaient à peine) ce gage d'amour paternel, un simple baiser, un qui pique ; un bisou furtif accompagné d'un mot doux dont mon cœur d'enfant était tant avide, un "bonne nuit mon chéri" dit d'une voix profonde aux chauds accords de baryton... ou bien c'était maman ?... Un géant à la barbe rousse... Non, définitivement ma mère...

Bref, mon papa. Le géniteur de plus que moi-même ; puisqu'à travers l'éducation qu'il m'inculquât (à grand renfort de collèges privés et religieux, au long des dix-huit années passées à ses cotés), il m'offrit bien plus que ma vie et mon nez en bec d'aigle. En forgeant les matériaux bruts et bouillonnants dans les veines de l'adolescent rebelle que j'étais, il me fit don de ma personnalité, de mon mauvais caractère, de bon nombres de mes goûts et... de mon humour sardonique, au sarcasme toujours latent et teinté d'un noir plus profond qu'il n'y paraît, qui vient naturellement à celui qui observe le monde et en comprend l'ironie. Et oui, il n'a pas fait que des trucs bien, mon papa.

S'il possède un grands nombres de qualités, dont l'une, et non des moindres, est donc, d'être mon papa, il a également d'innombrables défauts ; alors que moi, non (je suis une sorte de 'Lui' version 2.00). Bizarrement, l'humour susmentionné, qu'il m'a légué, fait parti des deux listes. Nous amusons en société en nous en amusant à ses dépends ; malheureusement, un fois lancés, il est très dur de nous arrêter avant un potentielle incident diplomatique et nous ne nous faisons pas toujours des amis. Et bien que nous soyons assez bravaches, fanfarons, grandes gueules et égocentriques pour nous en foutre royalement, je serais, peut-être, le premier à reconnaître qu'il ne s'agit sûrement pas là de notre trait le plus charmant, ni sympathique. Et j'en veux pour exemple cette fâcheuse habitude du vénérable vieillard de père que j'ai à moi, qui est l'anecdote dont au sujet de laquelle je voulais vous entretenir :

Dans ma famille, comme il se doit, personne ne met de sucre dans son café, ce n'est pas bon (quoi qu'en disent certains) et ça rend la tasse plus dure à nettoyer. Ma mère, dans ses jeunes années insouciantes, allait parfois jusqu'à en glisser un, subrepticement, quand personne ne regardait, dans divers breuvages chauds, mais elle arrêta bien vite, sous couvert de régime. Alors qu'il était évident qu'au contact de mon père (pour la circonstance, collateur), elle avait enfin atteint cette maturité qui vous ouvre aux choses de l'esprit et vous inspire à aimer les bonnes choses. J'avais bien un oncle, du coté paternel, qui sucrait son café comme la brute et le béotien qu'il était, mais cela fait plus de quarante-cinq ans qu'on ne lui a pas parlé, c'est dire, il pourrait même maintenant vitrioler son kawa du matin jusqu'à l'excès à la sucrette contondante que je m'en tamponnerais toujours le coquillart à grands coups de friteuse SEB. Pourquoi SEB ?, me demanderez-vous. Et bien c'est évident : parce que SEB, c'est bien.
Donc nous, sucre, non.
C'est pourquoi il est toujours un peu surprenant d'entendre mon père, de sa voix de ténor (oui, il descend dans les graves en fin de soirée), répondre systématiquement de la même façon, dans les dîners mondains, banquets familiaux, gueuletons entre potes, repas d'affaire ou autres galas d'ambassade (faciles à reconnaître, grâce à la présence d'une pyramide de Ferrero Rochers dans un coin, mais tout le monde sait ça) où il se trouve être l'invité, quand vient l'heure du café, à la question : « Du sucre Gérard ? »
- Non merci. Jamais de sucre dans mon café, ou alors, ajoute-t-il dans un petit rire bon enfant, seulement si il est dégueulasse.
Ce qui est, bien entendu, religieusement suivit, au grand désarrois de ma mère et pour mon plus grand plaisir, si je suis présent, après la première gorgée, par :
- Deux, s'il vous plaît, déclaré sans l'ombre d'un sourire, alors qu'à l'intérieur, tel le vénitien moyen, il se gondole...

Pour vous emballer cette petite histoire des penchants insolents de mon papa, je conclurais juste par le fait que ma chérie, ma femme, la compagne de mes jours, et Dieu merci, de mes nuits aussi, ayant entendu l'histoire de cette pratique paternelle au sein des miens plusieurs fois et l'ayant même vu de ses yeux vu à plusieurs occasions (dont une fois à son encontre), en riait tellement qu'elle décidât de l'adopter pour son propre usage, partant du principe qu'elle partageait avec mon père les mêmes goûts pour leurs cafés, et avec le grand avantage de pouvoir le faire dans trois langues différentes... De fait, elle peut désormais m'embarrasser en fin de repas, quelque soit les amis que nous allions voir.