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...

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mardi 10 novembre 2009

Cœurs de pierre

Jeu nº73 : Thème : Gothique.
Contrainte : doit inclure une atmosphère et un lieu angoissants, un élément de surnaturel et... un clown.
Ce texte a fini troisième.


Le vent sentait la neige, alors qu'octobre, mourant, n'avait pas encore succombé à novembre. Comme si l'automne, son œuvre foliumicide accomplie, était déjà prêt à laisser place à l'hiver. Le froid mordant me glaçait jusqu'aux os, le cimetière ne semblait plus être une si bonne idée. Je ne sais pas ce qui m'avait poussé à y venir en premier lieu. L'incrédulité de la jeunesse peut-être...
Je n'avais que dix-neuf ans et je ne croyais pas aux légendes.
À ce jour, je ne suis toujours pas certain des événements de cette nuit funeste.

Une lune gibbeuse apparaissait aux travers de nuages sombres. Sa pale lueur allongeait les ombres des tombes qui m'entouraient. Une forêt macabre d'ancêtres oubliés, au milieu de laquelle quelques arbres véritables et décharnés découpaient des silhouettes de ténèbres plus profonds dans l'obscurité. Assis sur le marbre craquelé d'un défunt anonyme, j'observais les statues.
La ballerine et le clown hilare.
L'histoire voulait que de leur vivant, ils s'étaient aimés d'une passion secrète et interdite. Une sorte de Roméo et Juliette saltimbanques... Leurs regards avaient été seuls messagers de cet amour muet. Ironiquement, après le grand incendie, leur dépouille furent mises en terre presque cote à cote. Un unique mausolée, prétentieux de simplicité, déniait aux sculptures ornant leur sépultures le moindre espoir de ne serait-ce qu'un regard. On racontait qu'une fois tout les vingt ans, la veille de la Toussaint, elles prenaient vie, l'espace d'une nuit. Une idée romantique et loufoque, qui n'aurait pas eu les grâces d'un roman à deux sous et qui nous faisait bien rire... jadis.
J'avais dû m'assoupir un court instant, malgré la température hivernale, mais je m'éveillais en sursaut. Une main glacée venait de me saisir au poignée. Je me retournais pour découvrir mon assaillant ; mon cri d'effroi fut étouffé par des lèvres froides, d'une douceur improbable, qui se collèrent aux miennes dans un baiser soudain, un corps d'albâtre se pressant contre moi. Je fus submergé par de violentes émotions, qui m'étaient jusqu'alors étrangères. Je répondis avec avidité à l'étreinte empressée. Dans le tumulte fougueux qui s'ensuivit, je ne discernais plus ce qui était charnel et ce qui ne l'était pas. Je perdis toute idée de réalité et, je crois, conscience. Quand je sortis de ma stupeur, je me découvris échevelé et dévêtu, alors qu'une brume glaciale s'était levée. Désorienté et ne trouvant nulle trace de ma belle inconnue, je décidais de quitter les lieux au plus vite. La ballerine était à sa place, mais ne l'avait-elle pas toujours été ? Je fus par contre frappé d'horreur devant l'autre stèle... Le clown ne souriait plus. Son visage n'était maintenant qu'un masque de haine, dont je ne pouvais qu'être seul l'objet. Deux coulées sombres brillaient faiblement sous ses yeux morts pourtant incapables de larmes. Pris de panique, je me mis à courir, imaginant l'amant de pierre à ma poursuite, trop terrifié pour me retourner.

J'ai fui ainsi pendant dix ans, par delà le monde. Et j'ai ensuite vécu comme un reclus, cloitré, victime de cette terreur incertaine... jusqu'à maintenant.
Demain, sera le vingtième anniversaire de cette nuit et je retournerai au cimetière.
Pour en avoir le cœur net.
Pour la revoir...
Ou l'affronter, lui.


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