Welcome ! Bienvenue ! Willkomen !

Les textes présentés ici sont issus de ma culture biologique. Quelques défauts et autres erreurs grammaticales, syntaxiques et/ou orthographiques peuvent, peut-être (sûrement), avoir subsisté ; que voulez-vous, les produits bio sont rarement parfaits mais n'en ont, paraît-il, que plus de saveur...

...

... et puis on se trouve les excuses qu'on peut.

Merci de votre indulgence.


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(Oh ! And this is a literary blog, by the way)


mardi 10 novembre 2009

Tabloïds

Attention ! Contient gore et mort d'enfants.


Qu'aurait-il pu faire d'autre ? Rien. Absolument rien.
Le bébé jouait sur l'appui d'une fenêtre basse, comme d'habitude après le bain... C'était l'heure du coucher et il devait sûrement faire le pitre dans sa grenouillère propre. Les grenouillères ne sont pas réputées pour leurs semelles antidérapantes. Quand le petit avait basculé en arrière,
il n'y eut rien que le père pût faire. Ça avait dû arriver avant... mais cette fois, le verre céda.
Des échardes de verres clouèrent l'enfant à la nuque et aux épaules sur le montant de bois, juste assez longtemps pour que la gravité transforme ce qui restait de la vitre en lame étincelante, qui s'abattit. Il fut décapité net, juste en dessous du maxillaire. La partie supérieur de sa petite tête blonde alla rouler dans le parking plus bas. Trois petites incisives dépassaient encore, grotesquement, de la mâchoire inférieure, à la lisière de la plaie béante et obscène où s'était trouvé son visage.
Qu'aurait-il pu faire d'autre, le papa ?
Les yeux écarquillés, la bouche ouverte dans un cri muet, éclaboussé du sang de son fils, ses bras encore tendus vers le petit corps sans vie, il avait dû comprendre tout de suite. Comprendre qu'il n'y avait aucun espoir. Comprendre que sa culpabilité finirait par l'étouffer, il n'avait pas pu le rattraper. Comprendre qu'il ne pourrait survivre à son enfant. Qu'il ne pourrait pas supporter cette vision d'horreur qui se rejouait déjà en boucle, envahissant tout son univers. Jusqu'à ce qu'il s'empare, d'un geste impulsif, d'un éclat de verre tranchant, se lacérant les doigts, et que, d'un seul mouvement, il ne s'ouvrit la gorge.
Qu'aurait-il pu faire d'autre ? Rien. Absolument rien.

Un abjecte accident et un suicide.
C'était la conclusion de Wilkinson et celle du légiste. Aucun doute à avoir.
Bien sûr, c'était avant que les rapaces de la presse ne s'emparent de l'affaire – affaire ?! Mais quelle affaire ? - tout ça était ridicule, vomitif...

Le père était devenu un monstre.
Un tueur psychopathe qui, à la fin, s'en était même pris à sa propre famille. Les fouilles merde avait réussi à lui épingler sur le dos presque toutes les morts d'enfants accidentelles et sanglantes du coin, de ces huit dernières années. Avec un peu de vocabulaire, c'était facile de jeter une ombre de mystère sur n'importe quel fait divers, même de vieilles affaires classées... Ils s'en étaient donné à cœur joie, les vautours. Et, bien sûr, monsieur Vernier était étranger, français !... Il était devenu l'ignominieux Doctor Guillotine de leurs Unes à deux balles. Ça avait duré des semaines... encore maintenant...
Michael serra les dents de rage.
Ah ça ! L'année dernière, quand l'autre ordure avait cassé sa fille en deux sur son genou, comme on brise une branche, une brindille, comme ça, par colère, sans même l'excuse de l'alcool, ils l'avaient moins ramené, ces messieurs des tabloïds ! Il faut dire qu'il était vivant, lui. Seulement en prison, lui. Qu'il finirait bien par sortir, qu'il pouvait toujours les attaquer en justice pour diffamation, lui. Qu'il pouvait leur couter de précieux sous... Et puis, il était anglais. Une raclure peut-être, mais une raclure nationale. L'un des leurs...

D.I. Wilkinson – son patronyme ne l'avait pas aidé sur ce coup ; un gamin décapité, une gorge tranchée et un nom de rasoir, dans une tempête médiatique ?... – D.I. Michael Wilkinson repoussa le journal, dégouté. Il avait besoin d'un verre... ou deux.
Où est-ce qu'ils trainaient maintenant, ces grattes-papier prétentieux ? Soho ? Mayfair ? Il trouverait bien l'un de leur repère, un petit pub à scribouillards de bas-étage... Avec un peu de chance, si le whisky ne lui passait pas le goût bilieux qu'il avait au fond de la gorge, il pourrait toujours écraser son poing sur la gueule d'un de ces connards.

Même si tout ça n'avait plus d'importance pour la veuve...

Il était passé la voir aujourd'hui. Prouvant qu'il pouvait encore rester un fond d'humanité et de compassion, après 23 ans à faire le flic.
Elle était internée au W. Shelley-Smyth Psychiatric Ward.
Depuis l'accident, ils n'avaient rien pu en tirer... Elle avait fermé boutique. Les fonctions vitales étaient assurées mais c'était tout, service minimum – catatonie cataleptique extrême, apparemment, ou un truc du genre, il n'avait pas vraiment écouté – il y avait de la lumière, mais plus personne à la maison.
Il l'avait trouvée au jardin, où quelqu'un l'avait poussé un peu dans son fauteuil, pour qu'elle prenne l'air, avant de se lasser et de s'en désintéresser.
Pour la première fois depuis des mois, il avait remarqué quelque chose. Quelque chose d'inhabituel, d'effroyable, presque imperceptible...
Un bref éclair de lucidité dans ses yeux morts.
Elle était toujours là, quelque part...
Il l'imaginait, enfermée à l'intérieur d'elle-même. Hurlante.
Hurlant à jamais.



3 commentaires:

  1. C'est affreux aussi ! Pourrais-tu écrire une jolie histoire pour changer ? Un conte pour enfant peut-être...

    Bon c'est affreux mais c'est pas si mal quand même.

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  2. ça sent le café froid, le journal imprimé en lettres grasses et le bon vieux polar, moi j'dis.
    un genre qui te réussit bien !

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